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Droit de poursuite du créancier à l’encontre de la caution

1 août 2023

Dans un arrêt rendu le 1er juin 2023 (Com. 1er juin 2023, F-B, n°21-23.850), la chambre commerciale de la Cour de Cassation française a jugé que, sauf stipulation contractuelle contraire explicite qui viendrait enfermer le droit de poursuite du créancier dans un délai particulier, le fait que le créancier appelle la caution à régler une dette postérieurement à la date limite de son engagement est sans incidence dès lors que la créance est née avant cette date limite.

En l’espèce, l’affaire concernait un contrat de prêt conclu le 11 décembre 2009 fixant à 84 mois la durée du prêt, et un engagement de caution fixant à 108 mois (soit 9 ans) la durée de l'engagement des cautions de régler la dette si le débiteur n’y pourvoyait pas.

Le débiteur ayant été placé en liquidation judiciaire et dès lors étant dans l’incapacité de régler la dette, la banque avait introduit une action à l’encontre des cautions par assignation du 12 janvier 2019, soit après la durée limite de l’engagement desdites cautions.

Alors que la Cour d’appel avait estimé que la banque était forclose pour avoir introduit son action plus de 9 ans après la conclusion du contrat, la Cour de Cassation prend le contre-pied de cette analyse et casse l’arrêt d’appel.

Elle estime en effet que dans la mesure où la Cour d’appel n’a pas relevé l'existence dans le contrat de cautionnement « d'une stipulation expresse restreignant dans le temps le droit de poursuite de la banque », elle ne pouvait pas déclarer l’action forclose en procédant à une interprétation selon laquelle la limitation de la durée de couverture s’étendait nécessairement dans l’esprit des parties à une limitation de la durée durant laquelle le créancier pouvait solliciter le règlement.

La Cour de Cassation opère ici une distinction entre l’obligation de couverture et l’obligation de règlement : dès l’instant où la créance est née durant la durée de l’engagement (obligation de couverture), le créancier peut poursuivre la caution, même au-delà de cette durée, qui ne limite pas l’obligation de règlement.

Bien entendu, le principe posé n’empêche nullement les parties de limiter contractuellement le droit de poursuite du créancier et de prévoir un délai dans lequel ce dernier peut agir : la Cour de Cassation précise bien que ce soit l’absence d’une stipulation contractuelle explicite qui fonde sa solution.

L’arrêt est intéressant en ce que son interprétation se base sur l’ancien article 1134 du Code Civil français (applicable à l’engagement en question, souscrit en 2009), dont la rédaction est similaire à l’article 989 du Code Civil monégasque, selon lequel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

Il est donc fort probable que les juridictions monégasques suivent cette position, sachant qu’aucun des textes particuliers régissant le cautionnement dans le Code Civil monégasque (soit les articles 1850 à 1878) ne s’oppose à une telle interprétation.